PORTRAITS EXPRESSIFS
Michel T. Desroches a débuté sa carrière en tant que peintre autodidacte. Il a beaucoup peint en direct, pratiquant alors essentiellement l'improvisation abstraite. Animé par la volonté de valider sa pratique par des études, il a obtenu un bac en arts visuels et médiatiques à l'UQAM en 2007.
Artiste prolifique et discipliné, il travaille tous les jours, motivé par une recherche esthétique soutenue. Il alterne œuvres figuratives et abstraites.
Desroches est également art-thérapeute depuis 2006. Par ce travail, il côtoie des personnes atteintes de troubles mentaux et les aide à trouver leur équilibre à travers l'expression artistique.
La forme sensible
"La présence de la ligne dans ma pratique célèbre la fébrilité du geste par une fragile trace d’émotion" C'est ainsi que Desroches évoque son approche du dessin. Pour exprimer une sorte d'émotion absolue, il traque la forme ultime. Sa quête le pousse à explorer l'équilibre entre lignes et interstices, entre formes et contre-formes. Ses traits sont la traduction de l'énergie du geste. Il sculpte les espaces d'ombre et de lumière avec son crayon, construit des réseaux complexes, crée des aires de jeu pour les yeux.
"Le dessin est, selon moi, le résultat visible de multiples décisions. Il nait du bagage graphique" Le choix de l'abstraction permet à l'intuition de prendre sa pleine mesure, c'est un vecteur miroir de l'inconscient. Libérée de la rationalité figurative, la ligne suit un chemin improvisé, guidée à la fois par la singularité propre à chaque création et par une manière de faire, un style forgé au gré de l'expérience, qui habite l'artiste profondément.
La forme sensible traduit la rencontre entre une sorte de continuité, le fil conducteur qui anime l'artiste et l'émotion fugace de l'instant présent qu'il capte et traduit à travers son action, sa présence créatrice. Chez Desroches le dessin est à cheval entre 2 et 3 dimensions, l'organique rencontre le géométrique, l'abstraction ressemble à une danse où on ne répète jamais le même mouvement. Ce n'est donc pas un hasard s'il voit une correspondance entre le dessin et la musique, tant dans le langage que dans l'expression. Une sorte de musique visuelle.
La figuration de l'émotion
Desroches représente presque exclusivement des visages. "L’observation du visage humain est propice à la subjectivité. L’aspect et l’humeur qui s’en dégagent offrent une gamme infinie d’attitudes et d’émotions. Nous apposons tous une détection émotive face au visage, c’est d’instinct. Cette lecture automatique dévoile souvent un état intérieur. Cette identification d’émotion crée un attachement." Il base ses croquis et peintures sur des sources variées : des photos qu'il prend lui même de participants à ses ateliers d'art thérapie, des expressions d'acteurs dans des extraits de films, des arrêts sur image de sportifs extériorisant leurs sensations lors de compétitions. Plongé au cœur de la complexité émotionnelle par sa confrontation aux troubles mentaux, il est régulièrement exposé à la souffrance, à la force de l'intériorité qu'offrent les regards. C'est une quête de l'intensité.
"Le visage est l’interface sophistiquée qui trahit parfois nos états intérieurs. Dessiner un visage humain est pour moi un défi. La présence de l'âme est primordiale" De fait, Desroches s'attache à rendre l'expression plutôt que la ressemblance morphologique. On dit de ses personnages qu'ils sont habités, qu'il en émane une présence. À travers son exploration des émotions humaines, Desroches révèle ce qui nous habite tous, toutes ces humeurs qui fluctuent en permanence. Dans chaque œuvre il s'attache à fixer l'humeur d'un instant.
Une part de thérapie
La pratique du dessin ou de la peinture est un processus intérieur marqué par la recherche de l'équilibre visuel. C'est aussi une transposition de la recherche de l'équilibre intérieur. La matière nous résiste quand on peint, cette résistance mène l'artiste à se confronter, à se dévoiler. "Ma représentation de la figure humaine donne lieu à une quête identitaire." Les deux sont liés. Dessiner des visages l'a mené à guetter et capturer les émotions, à devenir sensible aux autres. En partageant les émotions des autres, il a pu cerner les points communs avec les siennes et se libérer lui même, développer une expression moins inhibée, plus directe. Il aime parvenir à transmettre au spectateur les émotions qu'il a captées. Un tableau est terminé lorsqu'en le contemplant il peut ressentir la même émotion qu'il avait perçue chez son modèle.
Les éléments du symbolisme
Desroches se définit comme un symboliste dans la mesure où selon lui l'image transcende la représentation, elle permet de toucher au sacré, d'atteindre une dimension plus grande que nature. Toujours dans l'intention de rendre visible le tiraillement intérieur, Desroches ne se limite plus à la représentation du visage seul. Il superpose ses œuvres abstraites à ses portraits. Procédant d'abord par montages numériques, il tend à opérer peu à peu cette fusion en une seule opération, directement par le dessin.
Desroches travaille également la couleur. S'il se méfiait jusqu'ici des émotions intrinsèques qui s'en dégagent, l'aisance technique acquise avec la pratique lui offre davantage de liberté et lui permet maintenant de gérer graphisme et couleurs de concert… Pour donner encore plus d'intensité et de nuances à ses œuvres. Le parcours artistique de Desroches, c'est la symbiose progressive de l'être et de la création, menant immanquablement à leur épanouissement mutuel.